L’indemnisation des copropriétaires en cas de travaux affectant leurs parties privatives
(A jour au 09/01/2015)
I - Les conditions d’indemnisation :
A/ Condition préalable d'une atteinte à un droit acquis
En effet, en application de l’article 9 alinéa 5 de la loi du 10 juillet 1965 :
« …Les copropriétaires qui subissent un préjudice par suite de l'exécution des travaux, en raison soit d'une diminution définitive de la valeur de leur lot, soit d'un trouble de jouissance grave, même s'il est temporaire, soit de dégradations, ont droit à une indemnité.
Conformément au principe général en matière de responsabilité, un copropriétaire ne peut prétendre à une indemnisation que dans la mesure où les travaux portent atteinte à un droit juridiquement protégé.
B/ Les dommages susceptibles d'indemnisation
L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 énumère les causes d'indemnisation :
· dégradations constatées dans les parties privatives
· troubles de jouissance grave
· diminution définitive de la valeur d'un lot.
Ce chef de préjudice n'appelle pas d'observation particulière.
Il est bien certain que les dommages matériels causés par les travaux dans les parties privatives des lots doivent donner lieu à réparation de telle manière que les lieux soient remis dans leur état antérieur, et ce conformément aux principes du droit commun.
b) b) Troubles de jouissance
Le texte précise qu'il doit s'agir d'un trouble de jouissance grave ; il doit effectivement être caractérisé, excéder la mesure des inconvénients que chacun doit normalement supporter du fait de l'exécution des travaux dans la copropriété.
Sont par conséquent exclus les troubles sans gravité notable, les simples gênes, inévitables dans toute copropriété [1], à propos d'un échafaudage de ravalement devant les fenêtres d'un appartement [2].Par contre, l'obturation totale d'une fenêtre à l'occasion des travaux engagés par le syndicat constitue un trouble de jouissance grave [3].
Le préjudice peut être temporaire ou définitif.
Il doit, en principe, se révéler dans les parties privatives des lots car l'atteinte à la jouissance des parties communes, conséquence obligée des travaux, constitue un préjudice collectif et non pas individuel, que les copropriétaires doivent supporter en contrepartie des avantages attendus des améliorations entreprises [4].
Il en irait différemment dans le cas où les troubles concerneraient des parties communes, telles que cours ou terrasses, dont la jouissance aurait été attribuée à titre privatif à un ou quelques copropriétaires ; le préjudice revêtirait alors un caractère personnel.
Si le trouble de jouissance n'est que temporaire, le copropriétaire aura droit à une indemnité compensatrice. S'il est définitif, de deux choses l'une :
· il peut disparaître en effectuant certains travaux dans les parties privatives, comme l'insonorisation d'un appartement pour le protéger de nuisances sonores imputables au fonctionnement d'un nouvel ascenseur ou la circulation de voitures sur une cour transformée en parking ; l'indemnisation doit correspondre au coût de ces travaux ;
· il est impossible de remédier aux troubles de jouissance ; le copropriétaire est en droit de réclamer une indemnité le couvrant du préjudice qu'il subi, lequel peut d'ailleurs aller jusqu'à la dépréciation définitive d'un lot, ainsi qu'il est indiqué ci-après.
L'appréciation de la gravité des troubles de jouissance relève des juges du fond, en fonction des circonstances de chaque espèce[5] .
c) c) Diminution définitive de la valeur d'un lot
La diminution définitive de la valeur d'un lot peut résulter d'un trouble permanent et irréparable, consécutif aux travaux, et qui, par suite, altère ou même fait disparaître les qualités spécifiques d'un lot (Exemples : perte de la tranquillité de logements situés au rez-de-chaussée du fait de la création d'un parc de stationnement , réduction de l'éclairement et de l'ensoleillement d'appartements consécutive à l'édification d'un bâtiment à usage commun, nuisances phoniques inhérentes à l'installation d'un ascenseur...).
Il s'agit donc d'atteintes portées indirectement aux parties privatives en raison des travaux, que la loi, par dérogation aux principes en matière de jouissance des lots a estimé devoir être acceptées au nom de l'intérêt collectif, mais à charge d'indemnisation.
Celle-ci ne peut être accordée que dans la mesure où les travaux entraînent une diminution significative de la valeur du lot [6]. Ainsi, l'installation d'un réseau de tuyauteries de gaz sur une terrasse, objet d'un droit d'usage privatif, pour des motifs de sécurité n'a pas été jugée de nature à altérer l'affectation, la consistance et la jouissance de l'ouvrage que le copropriétaire a pu continuer à utiliser[7].Mais si les travaux entraînent l'impossibilité pour les copropriétaires de jouir normalement de leurs terrasses privatives, une indemnisation leur est due [8].
En conclusion, l'article 9, alinéa 4, ne peut recevoir application si les travaux aboutissent à une véritable dépossession des parties privatives, laquelle n'est réalisable qu'avec le consentement des copropriétaires.
II - Les modalités d'indemnisation :
L'indemnisation des copropriétaires lésés par l'exécution des travaux est déterminée par l'assemblée générale qui doit la répartir selon le critère énoncé à l'article 9, dernier alinéa de la loi :
« …Cette indemnité, qui est à la charge de l'ensemble des copropriétaires, est répartie, s'agissant des travaux décidés dans les conditions prévues par les a et b du II de l'article 24, des f, g et o de l'article 25 et par l'article 30, en proportion de la participation de chacun au coût des travaux. »
Si le ou les copropriétaires lésés estiment insuffisantes les sommes allouées, il leur appartient de déférer la décision devant le tribunal dans le délai de deux mois à compter de sa notification, conformément aux prescriptions de l'article 42, alinéa 2, de la loi aux fins de voir réformer ladite décision et fixer judiciairement une nouvelle indemnité.
Par contre, si l'assemblée générale n'était pas encore en mesure de déterminer les préjudices – notamment parce que ceux-ci n'ont pu être appréciés et évalués qu'au cours ou à la fin des travaux ce qui sera souvent le cas, une négociation amiable devrait ultérieurement s'engager entre le syndicat et les copropriétaires lésés en vue de fixer le montant des indemnités devant leur revenir ; l'assemblée générale aurait ensuite à entériner l'accord intervenu.
Mais si un tel accord ne peut se conclure, ou si l'assemblée générale refuse de l'accepter, les intéressés devront alors saisir directement le tribunal de grande instance pour qu'il fixe les dommages-intérêts auxquels ils ont droit.
[1]CA Paris, 23e ch., 14 avr. 1986
[2]CA Paris, 23e ch., 22 mai 1992
[3]CA Paris, 1er juill. 1994 : JurisData n° 1994-022360 ; Loyers et copr. 1995, comm. 30)
[4]Cf. CA Paris, 11 févr. 1999 : JurisData n° 1999-020399 ; Loyers et copr. 1999, comm. 200).
[5]Cass. 3e civ., 28 juin 1989 : Rev. Loyers 1989, p. 428. – Cass. 3e civ., 29 janv. 1997 : JurisData n° 1997-000355 ; Loyers et copr. 1977, comm. 156).
[6]CA Paris, 23e ch., 22 mai 1992 : JurisData n° 1992-021378).
[7]Cass. 3e civ., 30 juin 1998 : Inf. rap. copr. janv. 2000, p. 10).
[8]CA Paris, 14 janv. 1999 : Loyers et copr. 1999, comm. 165